#Jaimemafratrie

Tous les ans, en avril, le mois de l’autisme permet de sensibiliser et d’informer la population sur le trouble du spectre de l’autisme. Le 2 avril est la journée mondiale de sensibilisation à l‘autisme. Pour l’occasion, deux mères partagent leur réalité familiale avec un enfant qui vit avec un trouble du spectre de l’autisme.

Notre dimanche avec Ann-Sophie

Auteure : Nancy Tremblay, maman d’Émilie, Anne-Sophie et Léa-Rose

Nous sommes dimanche, ce seul dimanche dans le mois où elle vient nous visiter. C’est ainsi depuis deux ans, alors qu’auparavant, elle venait nous voir un dimanche sur deux. Nous avons dû réduire les visites à la maison, car c’était trop perturbant pour elle. Ann-Sophie a 18 ans, vit avec un TSA dans une ressource intermédiaire depuis maintenant douze ans. Je suis à la fenêtre et l’attends sans vraiment savoir si nous serons dans une bonne journée. J’ai hâte de voir comment sera son visage. Je saurai à ce moment si ce fut un bon mois pour elle, parce que sinon, elle aura des marques au visage; c’est de cette façon qu’elle aura signifié que ça ne va pas super bien…

Je sens une certaine nervosité à chaque fois, puisque pour garder le cap et essayer de me réconcilier avec ma décision, je ne communique pas avec la famille d’accueil, à moins que ce soit urgent. Elle arrive, elle crie, elle est contente de me voir. Je suis soulagée, elle est dans une bonne journée, ses petites joues sont toutes roses, tout est sous contrôle. Aussitôt, elle se réfugie dans mes cheveux. Elle doit confirmer que c’est bien moi et c’est sa façon à elle de le savoir… Voilà, c’est fait, je suis bien SA maman! Mon odeur la rassure.

Léa-Rose, elle, la troisième de trois, 12 ans, atteinte d’une déficience intellectuelle. Elle se sauve. Pour elle, c’est la guerre! Voilà le monstre qui arrive! Pour elle, il n’est pas question qu’Ann-Sophie lui sente les cheveux. Oh non! On ne touche pas à Léa-Rose! Et bang! La porte de ma chambre se ferme et Rosie ne sortira plus de là jusqu’au départ d’Ann-Sophie. Ici, c’est comme ça. On respecte les réactions de chacun.

Je trouve Ann-Sophie grandie. Elle a des formes plus apparentes que le mois passé. Ma fille devient une femme tranquillement. Je souris. Elle me suit, me regarde cuisiner, elle sautille de joie, car elle le sait ce qui s’en vient. Je lui glisse des petites gâteries dans sa bouche. Elle les mange sans jamais perdre son joli sourire. Nous nous sommes créé de petites habitudes ensemble, anodines pour plusieurs, mais tellement importantes pour moi. Nous sommes dans une bonne journée, alors on va en profiter!

Voilà qu’arrive Émilie, première de trois, 20 ans, en pleine santé. C’est la joie! Ann-Sophie crie, se précipite sur sa sœur, elle la suit, a besoin de son attention. C’est intense, elle a besoin de la sentir, de la regarder, la fixer, lui toucher. On ne se sait jamais si cela sera agressif en douceur, mais elle a besoin de lui toucher. Je les suis, question de lui venir en aide si jamais c’est trop intense, mais nous sommes dans une bonne journée, alors tout se passe en douceur et intensément à la fois. Émilie lui parle, lui pose des questions. Même si elle sait très bien que la réponse ne viendra jamais, c’est sa façon à elle de créer un lien avec sa sœur.

On reprend chacun notre routine de la journée. Papa, lui, vit ça plus en retrait. Il observe le tout de loin. Papa, lui, a plus de difficulté à vivre avec l’absence de sa fille et a toujours été plus discret, mais c’est comme ça, et ici, on respecte les réactions de chacun…

Et voilà, c’est déjà le temps de se quitter, et on en a profité au maximum, sachant que d’une fois à l’autre, on ne sait pas si ce sera possible. On est chanceux! Aujourd’hui, c’était vraiment une bonne journée.

Maintenant, c’est le temps de se reposer. Je me dis que malgré tout, je l’aime, ma petite famille, et je suis fière de chacune de mes filles malgré leur différence!

Notre samedi typique

Auteure : Joanie Lévesque, maman d’Amélia et Nathan

Je vous présente Nathan, 4 ans, TSA niveau 1. C’est un petit garçon qui, avec toutes les interventions qu’il reçoit chaque semaine de la part des multiples professionnels, fonctionne généralement bien. Très rapidement, dès son plus jeune âge, nous savions que quelque chose clochait chez lui. Plusieurs sphères développementales étaient atypiques. Il a donc reçu son diagnostic très jeune.

Nathan, malgré ses difficultés, nous surprend de jour en jour. Depuis peu, il s’intéresse beaucoup à la cuisine. Jamais nous n’aurions pensé cela! C’est particulier puisque Nathan a une hypersensibilité sensorielle. Les repas ont toujours été difficiles. Nous avons eu l’aide d’une ergothérapeute et avons dû utiliser plusieurs renforcements pour arriver à un repas complet. Dernièrement, ce problème s’est littéralement envolé.

Je vous explique : le samedi, pour moi, c’est jour de cuisine pour la semaine. Le matin, je m’installe et prépare les repas pour la famille. Nathan a commencé tout bonnement, du coin de l’œil, un bon samedi, à me regarder faire. Le samedi d’après, il s’est approché tranquillement de la cuisine et a regardé de plus près. Le samedi suivant, il m’a demandé une cuillère pour brasser la préparation à muffins que je venais de concocter.

Sa sœur Amélia, 2 ans, n’a pas attendu bien longtemps pour se joindre à nous. Amélia est neurotypique et très dynamique. Aussitôt qu’une activité est proposée, elle y participe sans hésiter. Nathan n’aime d’ailleurs pas l’avoir trop près de lui puisqu’elle est entreprenante et imprévisible. Ce fameux samedi-là, par contre, Nathan l’observait alors qu’elle mettait ses doigts dans le mélange à muffins pour y goûter et ça semblait l’intriguer. Amélia découvrait ce qu’était le goût des muffins avant même de les avoir fait cuire. Nathan lui disait : « Non Amélia, fais pas ça! » Il est très soucieux des règles et sait bien qu’on ne doit pas mettre nos doigts dans la nourriture. Moi, observatrice à ce moment-là, je les ai laissés faire pour voir comment Nathan réagirait. En fait, Nathan n’a jamais exploré l’alimentation en utilisant exclusivement ses mains, même étant bébé. Il demande à plusieurs reprises les débarbouillettes et il déteste se salir.

Ce jour-là, il imita sa sœur Amélia après quelques minutes passées à l’observer. Il trempa à son tour ses doigts dans le mélange à muffins pour y goûter. Sans dégoût cette fois-ci, mon enfant explora en imitant sa soeur. Hourra! Mon fils, depuis ce jour, a de moins en moins de craintes à se salir les mains. Une belle victoire pour nous.